71. Avant de mordre la poussière [Ep. 13]

 

La roue avant droite de la 4x4 ressemblait à un gros bout de chair brûlé et boursoufflé. Ras' et moi on avait remonté les manches de nos pulls, mais pour moi ça s'arrêtait là, j'observai Raspoutine observer notre problème.

Il a tourné la tête dans ma direction et j'ai haussé les épaules en disant eh, c'est toi l'étudiant ingénieur. Il m'a dit que je servais à rien et je lui ai répondu que j'avais jamais eu une telle prétention de ma vie. On s'est tourné le dos et on a chacun souri de notre côté. Je ne me faisais aucun soucis.

C'était plus Emmy qui me tracassait. J'étais bombardé de textos, des trucs glauques qui me filaient la chair de poule. Une simplicité effrayante. Je lui ai passé un coup de fil pour tenter de la rassurer, et ça a foiré grandiose. J'ai vite mis un terme à la communication en lui disant que tout allait bien, que j'étais en chemin. J'ai attendu de l'entendre chouiner ooouu-oui avant de vraiment raccrocher.

L'éclair d'une fraction de seconde j'ai pensé me rouler un joint. Mais non.

Ras' est sorti du coffre en gueulant mon nom et j'ai vu un triangle orange faire un vol-plané jusqu'à devant mes DC – les catadioptres donnèrent un effet disco à la scène.

• Va mettre ça à cinquante mètres de la voiture s'il-te-plait. Je m'occupe du reste.

J'ai opiné du chef et je me suis planté à une cinquantaine de mètres de là. La circulation était moyenne. Je me suis décalé d'un pas et baissé pour posé le panneau de signalisation. Je tirai pas la gueule parce que tout allait bien se passer, dans moins d'un quart-d'heure, on roulerait à nouveau et je pourrais consoler Emmy, qui disait avoir besoin de moi. Besoin de moi. J'ai répété ces mots, pour le plaisir, en boucle dans ma tête.

Suite et fin prochainement... (Mercredi, si je me débrouille bien)