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14 juin 2011

51. Insistance [Ep. 05]

 

Insistance

            Quand j’ouvre les yeux il est neuf heures dix-sept, je les referme jusqu’à trente. Dans la douche je mets Radio Nova, je me mousse en rythme. Je me rase consciencieusement et m’applique de la crème hydratante après, je tiens à faire bonne figure et j’aime être rasé en société. Je m’habille sobrement : polo, gilet, chino, Converses – couleurs assorties. Décontracté et pas très frais pour aller bosser. Mon BlackBerry me rappelle qu’il est temps d’y aller.

            Dans l’ascenseur je mets mes Aviator. J’avance dans le hall et m’arrête à l’accueil. Un noir baraqué avec un sourire de chérubin se tient au poste, derrière.

-          Salut ! Comment ça va, aujourd’hui ?

-          Ça va bien Monsieur Kirst. Vous allez travailler ?

-          Eh oui. Ça m’arrive aussi. (le noir sourit donc je continue) Au fait, t’aurais pas reçu mon GQ en relevant le courrier ce matin.

-          Ah non Monsieur.

-          Dommage.

Je vais prendre congé, j’ai déjà une main sur la porte d’entrée quand je pivote légèrement sur la pointe des pieds.

-          Faudra penser à appeler la Police pour ce qu’il s’est passé cette nuit, j’aurais deux-trois détails pour la flicaille.

Là il me regarde comme si je lui parlais hébreux.

-          Le fumigène… d’hier soir… (j’articule exagérément) vous n’avez rien remarqué ?

-          Non ! qu’est-ce qu’y s’est passé Monsieur Kirst ?

-          Allez inspecter le gazon juste là (je pointe l’endroit du doigt), à l’entrée. Et puis matez les vidéos de cette nuit de vos caméras. Vous avez mes coordonnées professionnelles de toute façon, non ?

-          Euh… oui. Oui Monsieur Kirst, bien sûr.

-          Eh bien vous savez où me joindre si jamais. Sur ce, je dois filer, je suis déjà à la bourre ! Bonne journée !

J’ouvre la porte pour de bon et sort. Je me dis qu’il serait temps que j’apprenne le prénom du mec de l’accueil. Dans la rue je regarde à gauche puis à droite et c’est la même rue que toujours. Étonnant. Je fais des pas en zigzag sur la chaussée, ce qui ne gène en rien, la circulation dans la rue est quasi-inexistante. Je continue encore en la descendant quand je trouve ce que je cherche. C’était donc ça… ils se canardés au plomb. Je comprends pourquoi y a pas de trace de sang là où le gamin se tenait la cuisse. Je suis accroupi et je regarde le petit projectile gris mat. Pas vraiment de quoi tuer un homme, mais perdre un œil, ça…

Je me relève doucement, à cause de mon genou, toujours de mon genou gauche, oui, et descend entièrement la rue pour tourner à gauche et au bout de la rue, entrer dans le Grand Café. Derrière le comptoir se trouve le Patron et le serveur. Je salue de la tête le serveur et serre la main au Patron qui me la tend.

-          Ça va gamin ? qu’est-ce que tu prends ?

-          Ça va, ca va. Tu me mettrais un double Expresso et un croissant s’il-te-plaît ?

-          Hey Olivier ! Serre-moi donc le jeune-homme !

Le serveur – Olivier donc – m’apporte la commande très rapidement. Le Patron regarde BFM et commente les résultats du foot. Entre deux grognements, je le coupe :

-          Vous êtes au courant pour hier soir ?

-          Y s’est passé quoi hier soir ?

-          Y a des branleurs qu’on foutu le bordel là où je crèche.

-          T’habites juste derrière non ? (il quitte des yeux la télé)

-          Ouais.

-          Nan mais je sais pas, raconte, y s’est passé quoi ?

Je lui raconte sobrement l’histoire. Il la conclura par : « Ah les bâtards de leur race ! ». Après quoi j’ai rigolé, j’ai avalé mon café et mon croissant et j’ai filé prendre le bus que je voyais attendre au feu rouge. Mon Vespa est coincé à Strasbourg jusqu’à la fin de la semaine, voir le week-end, et je dois prendre les transports en commun. À cette heure-ci, c’est pas trop chiant, y a pas de monde et des places vides, et je peux lire autant que je veux – c’est juste un peu lent. Seulement je pensais recevoir le GQ et j’ai rien pris en lecture de secours, donc je mets mon casque sur les oreilles et j’écoute un album des Chinese Man Records.

En face, assis, un homme rond en carreaux et sandale/chaussettes se mouche. Au bruit, il se débouche pas que les sinus. Quand il a fini, il ouvre son mouchoir et se fait un test de Rorsach morveux. Il sue, alors je respire par la bouche.

 

A suivre...

Photo : Estia


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