Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ANTIBIOTOC
6 juin 2011

50. Insistance [Ep. 04]

C'est la 50ème !!!
Déjà, et en même temps, j'y crois pas.
En tout cas, merci de continuer à visiter ce blog, pour moi, c'est toujours le même plaisir de vous raconter mes salades :)
Bon, c'est pas tout, mais on a une série à suivre je crois !

Insistance

Insistance

 

            J’applique le badge et le loquet se déverrouille. J’ai gardé ce précédent système de fermeture pour certaines pièces. La salle de relaxation et la bibliothèque, entre autre. Il y a des endroits où il faut se savoir pouvoir être tranquille, en toutes circonstances. L’obscurité m’avale entièrement une fois que j’ai repoussé sans un bruit la porte, effaçant le quadrilatère jaune de lumière qui fuyait par la commissure.

            Dans le noir royal, je suis tout entier. Je touche tout et rien. Seuls mes pieds me rappellent qu’il y a un bas et un haut, sans ça, je flotterai. À tâtons, ma main glisse sur le mur proche de la porte, y rencontre l’intensificateur de lumière tactile. Je trouve le petit bouton pour unlock le binz et fais glisser un doigt dessus magnanimement, pour réajuster le tire la seconde suivante, laissant au projecteur central à peine de quoi révéler les contours et gros traits de la pièce. Les yeux qui piquent. Puis, s’habituent. J’ai fait murer la seule fenêtre présente. Ici, je fais le jour et la nuit.

            C’est sur le paddock à eau chaude que mon exaspération se laisse chuter. Petits gargouillements de flotte et houle berçante. Je roule sur le dos, mets mes avant-bras repliés derrière la tête, puis je prends un coussin qu’est pas loin pour m’en servir et je finis les bras libres que je fais tomber en rythme sur le matelas pour faire des vagues. La chaleur me détend les lombaires et trapèzes dorsaux. Je reste ainsi un temps, à laisser le temps au corps de se détendre et à moi de respirer. Mais c’est pas encore ça. Asthénie. Je m’assieds au bord du lit. Je cherche l’interrupteur mural que je décroche et reprends place. C’est une plaque toute noire. Avec ce truc, je contrôle tout le bazar que j’ai fait installer. Je commence par l’ambiance lumineuse. J’éteins le projo principal pour mettre en marche de plus petits, planqués, qui diffusent des bleus, certains vifs, d’autres pâles. Ensuite, je joue avec les néons à lumière-noire, histoire que ça ne soit pas trop agressif, puis j’allume deux tubes qui font des bulles colorées – que je choisis toujours bleues – et de tranquilles plikeuplik. Une bouffée de chaleur me fait penser aux ventilos. Quand ils ronronnent, de leur souffle en demi-cercle, des voiles tendus transparents et photophages dansent en faisant de souples vagues. Comme de pâles ventres de danseuses orientales.

            Encore un peu de patience avant la musique. Ne pas brusquer les choses. Non. Y aller en douceur. D’abord Helligoland, à peine audible. The Shelter suit – playlist spéciale sur tablette/télécommande tactile. Le son sort des enceintes installées un peu partout de façon à le diffuser de la meilleure façon. Il sort aussi du matelas à eau chaude parce qu’y en a de discrètes dissimulées à l’intérieur. Je veux des violons mais j’arrive pas à me décider de qui, donc je laisse filer la sélection. Faut que je me vide la tête, sans quoi je dormirai jamais. Arrêter les images et pensées. À mon tour, me laisser porter. Without Control.

            Une Lucky Strike se finit en arrosant d’orange échos les angles de mon visage. Je lance les chants Grégoriens, prend un Valium et décolle.

            Moins que Zéro.

            Pas même une fille à qui vraiment penser.

            Je sors du rêve et de la salle sur un nuage de billes de polyester. Les pièces s’avancent tandis que je suis immobile. Dans la cuisine principale j’ouvre le frigo. J’hésite entre les oranges et un Burn. Je prends finalement trois oranges, ainsi qu’un sandwich Viêt de chez Bo Bun. Un massacre ces ‘dwichs. J’en mâche un bout en pressant les oranges qui me donnent un grand verre de jus frais. Je l’avale d’une traite et je reprends un bout de sandwich, y en a un peu qui tombe, et je sors trois nouvelles oranges du frigo. Je les presse, elles aussi, pour en faire un grand verre de jus frais. Je prends le verre et je vais dans le salon en traversant une salle à manger et en faisant un petit tour par le balcon. J’ai finis mon sandwich et c’est dommage parce que maintenant j’ai envie de m’en faire un autre. Je me lèche les doigts. Je pose mon verre auquel je n’ai pas encore touché sur la table basse. J’allume la télé et je m’assieds dans le canapé. Je pousse un des coussins, à la texture de velours, qui me dérange. Sur l’écran je zappe. Rien qui me plaît. J’arrive sur les pornos et je reste à regarder ces trucs qui se mélangent violement avec des yeux de bœufs. Expressif. Je retourne aux clips ; le son est de meilleure qualité, pour ce que le continue diffère. Mon verre est au tiers plein, je le vide.

            Je me demande l’heure qu’il est. Tôt, pour sûr. Vu ce qu’on nous diffuse.

            L’atmosphère est différente. Suspendue. Tiède et douce. Tiède chaleur qui remonte jusqu’au  plexus. Sourire naturel, sans qu’on s’en rende compte. Le menton est lourd mais je le tourne vers le balcon, derrière la baie vitrée. Le jour se lève. Fatigue subtile de l’aurore. Et c’est la même gamme chromatique que j’ai utilisé plus tôt dans la salle de relax’, dehors. Je m’en rends compte et j’ai de nouveau envie de sourire. Heureux et ko. Je grince quand je me lève, car tout euphorique que je suis j’ai oublié mon genou – ah les connards de la veille m’avait pas loupé avec leurs béquilles – et j’ai manqué m’étaler sur la table basse. Je me suis agenouillé et j’ai tenu le genou gauche replié de mes mains, posant ma tête dessus et serrant les dents. Dans un rectangle de cet éclairage particulier, les murs noirs, le sol illuminé. J’éteins l’écran au passage. Et j’attends que ça se calme.

            Accoudé à la rambarde du balcon, la brise m’ébouriffe maternellement. J’ai encore allumé une clope et je me dis qu’il faudrait que je me calme – mais pas longtemps. Bientôt mes pensées ne sont que le fait que je dormirai encore seul ce soir. Je peux pas me résigner à payer pour baiser, et puis elle restera pas coucher à mes côtés. Plutôt crever. Je me dis qu’Elsa et Lucie doivent être en train de se réveiller. Elsa fait la gueule et soupire, elle se gratte le haut de la tête et machinalement se recoiffe n’importe comment, elle cherche sa robe de chambre et descend prendre son petit-déjeuner tandis que Lucie éteint son réveil pour la troisième fois puis s’étire, baille et miaule, elle cligne des yeux et sa tête ne tient pas, elle dodeline, et le brouillard derrière ces iris sombres est beau, le réveil sonne une énième fois et elle l’éteint puis saute du lit en culotte et tee-shirt (mais je lui ôte le tee-shirt dans ma tête) et court aux toilettes.

            J’ai envie de les appeler. J’essaye de pas y penser.

            Je pense à Lisa. Elle, par contre, ce serait pas un problème de l’appeler, si ce n’est qu’elle doit être dans le même état que moi, voir pire, ou alors qu’elle doit dormir, ou s’envoyer en l’air, et qu’elle sera pas joignable avant quatorze heures, facile. Et puis je suis pas sûr d’en avoir vraiment envie. Lisa est complètement barrée. J’ai failli tomber dans son jeu y a pas si longtemps et je me convaincs qu’elle doit baiser actuellement et ça me fait marrer de penser au nombre de types qu’en meurent et qu’en mourront. Autant de concupiscence que d’envie – pour tout ceux qu’en bavent mais qu’ont pas le niveau. Dire que j’ai failli me laisser avoir. J’ai eu chaud bordel… ! Maintenant ça va, mais faut faire gaffe, c’est le genre : nénette tueuse. Trop jolie, trop « intelligente », trop au courant de son cas pour rester saine pour elle et les autres, dans la durée. Je parle pour moi et pour ce que j’en ai vu, mais doit sûrement y avoir des exceptions. Je lui souhaite.

            Je vais dormir quelques heures.

 

A suivre...

Photo : Estia

Publicité
Publicité
Commentaires
ANTIBIOTOC
Publicité
ANTIBIOTOC
Publicité