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31 mai 2011

49. Insistance [Ep. 03]

 

Insistance            Dans l’ascenseur sans musique, je m’élève vers mon appartement. La tête, vide. Je ressens comme l’envie de pleurer, la même sensation dans les organes, sauf que je ne pleure pas, je trouve ma mine affreuse, dans la glace, je remets mes lunettes noires. Ça va mieux.

            J’habite au troisième étage. À peine le temps de fermer les yeux.

            Je longe le couloir en faisant glisser une main contre le mur et je regarde les toiles street-art que j’aime et que j’ai accrochées, y en a certaines que j’ai peintes. Je reste devant celle de Seen – elle me retourne la tête. Après, je lutte contre moi-même pour me décoller la rétine de ces flèches colorées, j’en ai la tête qui tourne, je m’appuie sur la clenche et la porte se dérobe et je me manque à nouveau de me rétamer. Je retrouve mon équilibre comme je peux, en m’accrochant à un buffet. Dessus y a mon plateau de Go, des pierres y sont placées, noires et blanches, et volent maintenant. Je suis toujours sur mes deux jambes mais j’ai une partie à reconstruire. Les pierres de coquillage et d’ardoise chantent quand elles ripent puis s’allongent à même le sol. Je ramasse celles qui sont restées sur le Goban et les range dans leur coffret respectif en bois d’olivier. J’enlève mes pompes et mes pieds sont très contents. Pour peu ils me souriraient. Du revers – chaussettes noires en soie – je pousse les galets par terre jusqu’au tapis molletonné, je m’avance dessus et le parcours aléatoirement, enfoncé jusqu’aux chevilles dans le territoire velouté, le contact froid des pierres, que je ne vois pas, m’est agréable. Ça me donne des idées. Opaque. La chambre.

            Je m’éjecte sur le lit les yeux fermés – je connais déjà ma chambre par cœur. King-size, le matelas. Pour mon plus grand plaisir, et celui des autres. Je sors le paquet de clopes de ma poche, je le regarde mais n’en prends pas une, je fume pas dans ma chambre, jamais, dans celle des autres je m’en fiche, tant que j’ai l’autorisation, mais dans la mienne c’est mort. Les draps qui sentent le tabac, j’ai trop pratiqué. Je sors aussi mon BlackBerry. Sur le dos je regarde le plafond, sans le voir, sans éclairage. J’enlève mes Ray-Ban, ce qui ne change rien. J’hésite à les remettre, mais elles sont sur ma table de chevet et j’ai une flemme à vous raidir un bénévole. Ouais… c’est dur. Et puis j’aime me plaindre.

            Je m’assieds, au bord du lit, mes pieds ne touchent pas le sol – j’ai demandé un lit haut, juste comme ça, juste pour rigoler – et à travers la fenêtre dont les volets ne sont pas baissés, je regarde la tour Montparnasse. Quartz terne ; bijou d’architecture. Je me lève et colle mon front contre la vitre. Elle est froide, mon front chaud, c’est agréable, et quand je respire la buée s’empare du paysage.

            J’arrive pas à me calmer.

A suivre...

Photo : Estia

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