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27 mai 2011

48. Insistance [Ep. 02]

Insistance            Mon mégot m’échappe et me crame le dessus de la main avant de rebondir et de finir sa chute sur le bitume, je sursaute. Je souffle sur ma main et efface la petite trace sale. Je ferai volontiers demi-tour, mais pour aller où ? Le bar est fermé, et moi, contrairement à eux, j’ai pas envie de zoner.

            Je ne sais pas ce qu’il faut faire, par contre je sais ce que je dois faire : rentrer chez moi. J’en peux plus d’attendre, et le fumigène a une longueur de vie qui dépasse ma tranche de patience. J’avance. Boitant comme je peux, j’ai mes lunettes noires, je veux juste pas qu’on me saoule. La bande à Bader me remarque. Je continue. Y a un des potes à celui qui porte le fumigène qui lui dit un truc que je comprends pas. Puis c’est Bader – le gamin au flambeau – qui me gueule des choses. Insultantes. J’entends rien. Encore. Aujourd’hui non plus j’ai pas envie de mourir. Aujourd’hui je veux juste ouvrir ma grille d’entrée. Rien de plus.

            Je suis à deux mètres. Ça continue à gueuler et gesticuler. J’ai la trouille. En plus je clopine. Et j’ai des thunes sur moi – sans parler de mes Ray-Ban. Je fouille dans ma poche pour ne pas trouver mon badge magnétique. Alors j’ai une bouffée de chaleur très rapide et des picotis dans le bas de la nuque, je fouille plus méticuleusement ma poche et chaque geste compte. Même si la rue est large.

            Je garde un œil sur les raclures.

            Je trouve le badge.

            J’ouvre ma grille.

            Dans l’allée qui m’amène au hall et par laquelle je suis séparés de ces tarés par des grilles en acier, je me dépêche. Je tire sur la porte qui me fait entrer dans le sasse sécurisé ; c’est une double-porte vitrée et renforcée. Je me retourne en appliquant mon badge sur le second capteur. J’ai que le temps de voir un éclaboussement de lumière rouge. Zbim. En plein sur la porte, le fumigène rebondit, je fais un bond, le truc atterrit dans le gazon, qui lui, commence à prendre feu. J’ai pas entendu le « dong » que fait la porte quand le système de fermeture magnétique se désenclenche, mais je retire ma main du capteur et je peux accéder à l’entrée. De là j’avance jusqu’aux fenêtres ; les rideaux ne sont pas baissés. Ils font des fuck. Ils sont très fiers et y en deux autres qui sortent d’une camionnette jaune garée à cheval sur le trottoir, que j’avais dépassé en remontant la rue. Je comprends pas très bien où on va en venir. Je me dis que j’aurai tout intérêt à noter la plaque d’immatriculation du véhicule.

            En face ils s’éclatent, accolades et check de la main. Les apprentis Mesrine s’apprêtent à se tailler dans leur camionnette quand l’un des gamins tombe par terre en se cramponnant à sa cuisse. D’après sa tronche, il gueule. Double vitrage. Tout crispé. Un éclair. Détonations sèches. Et tout le monde qui sort un flingue. J’arrive pas à voir quel modèle c’est. Je suis plutôt en train de calmer ma curiosité et de m’éloigner de la fenêtre – manquerait plus que je m’en prenne une perdue.

            Je m’assieds dos à la fenêtre. D’autres détonations sèches. Pas d’autres bruits suspects, ce qui est pas plus mal. Le papier que j’ai entre les mains tremble. Où est mon stylo ?

            788 – C**

            C’est tout. Renault jaune, modèle camionnette trois portes. Je suis pas un grand fan de bagnoles, j’ai pas plus d’infos.

            Des pneus crissent. J’attends. Me relève et à travers la fenêtre, la rue est tranquille. Et si y avait pas une tache calcinée de gazon, rien ne se serait jamais passé. Mon cœur fait de drôles de trucs. Je sais pas si je suis en sueur. Ou pas.

A suivre...

Photo : Estia

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