43. Avant d'être ennuyeux, j'étais jeune et romantique.

Elle ne se tient pas droite. Maladroite. Ma maladresse l'a choisie des yeux. J'y vois une pommette rougir, non poudrée, quand du demi elle boit une gorgée.

Dans ce café pas très vulgaire, faut savourer. La mousse, textes français fredonnés, la rime lourde. Madame attire l'oeil, et pas que le mien. Les malins.

Exempt de conversation, le café s'endort ; si on avait été place de l'étoile, je lui aurai parlé de Modiano. Mais c'est elle qui me tient, un crayon à la main, dessein dessiné, j'étouffe le destin, retiens un sourire. Une rélflexion déplacée, volontaire, plus tard j'hexulte pour celui qu'est le sien. S'il avait fait beau, je n'y aurais pas cru.

J'aurai aimer avoir un livre, et derrière - planqué - continuer à la bouffer, des yeux. La grâce élégante : exquise douceur féminine. Ces lignes qu'on ne veut retenir pour, à chaque fois, mieux les redécouvrir. Et des lèvres, des lèvres, des lèvres qu'on fuit. Fruit rouge trop sucré, pressant, un vin trop alcoolisé.

Elle rêvasse, la gomme à la bouche, je m'efface, espère qu'elle boudera. La gamine, la tendre, foutu caractère. Le gout de la chaire.

"Faire les choses à fond, c'est toujours fatiguant."

Quelqu'un dit cette connerie et je crois que c'est moi. Un regard noir, des killowatts par l'iris, m'électrise sur mon banc, et me répond. Ahah ... ce foutu caractère, quand elle sourit.

J'aimerai lui choper ses lunettes, les balancer par la fenêtre, et me repêtre. De son silence. D'inconstance.

Echange agressif. Violence extatique. Le charme de ses non-dits, me pousse à y aller jusqu'au bout. C'est pas mal, je pense moins à ses reins, qui se dandinent par intermittence.

Retour à la discussion, je l'écoute. Ca m'intéresse - je sais pas pourquoi, je suis sûr que c'est chiant pourtant.

Moment de solitude plus tard, rougeur de l'épiderme, demoiselle. Alors ma fierté grandit, d'être à la même table assit, des conneries dont elle occupe l'espace.

Fais chier.

Elle est belle.

L'interdit m'ordonne. J'ai pas le droit, y faut pas, je sais déjà, et tout le fatras.

Elle est libre, de penser (la blague), d'aimer, d'approuver, compter.

Un ami arrive, tant mieux, j'esquive, à lui parler.

Ecrire c'est un peu mentir joliement. Ecrire pour l'unique raison, poings serré, de ne prononcer son nom.

Photo : Estia